« Seule en sa demeure » de Cécile Coulon et le roman gothique en général

Dernièrement, j’avais envie de lire un auteur français, alors j’ai demandé à La Kube de m’aider. Je ne voulais pas un roman parisien, pas un roman nihiliste, mais une belle langue non traduite et j’ai reçu « Seule en sa demeure » de Cécile Coulon. Cécile Coulon a une biographie impressionnante pour ses 32 ans (8 romans publiés, un recueil de nouvelles, 4 recueils de poésie, un ouvrage jeunesse, une pièce de théâtre notamment) des cheveux blond polaire et elle est marathonienne !

A la réception, la couverture et la quatrième de couverture m’ont immédiatement fait penser à l’un de mes romans favoris, « Rebecca » de Daphné du Maurier (ma chronique de 2018 ici), un classique de la littérature dite gothique, paru en 1931. Je me suis dit que les similitudes étaient frappantes, mais qu’un ouvrage aussi encensé ne pouvait pas être une simple resucée. Et je n’ai pas été déçue. J’ai d’abord été désarçonnée. L’histoire se déroule au XIX siècle et est écrit à la manière des romans de l’époque. La langue est soutenue sans être lourde et on est immédiatement plongés dans l’ambiance de la famille d’Aimée puis au domaine de son époux, situé au cœur de la Forêt d’Or. L’atmosphère est lourde et enivrante, les descriptions finement ciselées. J’ai lu ce livre en trois jours, je pense que j’ai passé la moitié du temps sur les 100 premières pages mais les 200 suivantes (et dernières) ont couru sous mes yeux. Car une fois le décor planté, la qualité de l’écriture ne faiblit pas mais l’intensité du suspense ne cesse de croître. J’ai adoré ce livre, j’ai échafaudé des hypothèses (fausses) et, c’est certain, je lirai d’autres livres de cette autrice.

Pour ceux et celles qui se demanderaient ce qu’est un roman gothique (et pour moi celui-ci en est un très réussi), voici l’article de wikipedia. Mais en gros les caractéristiques du gothique (qui n’est pas forcément paranormal, même si des éléments d’horreur et de paranormal peuvent s’y retrouver, comme chez Edgar Allan Poe) sont :

  • Un lieu chargé d’une atmosphère inquiétante, voire une nature hostile, qui deviennent des personnages à part entière (la forêt d’Or et le domaine Marchère chez Cécile Coulon, le domaine de Manderley et les falaises de Cornouailles chez du Maurier par exemple)
  • Des personnages de jeune femme persécutée/malade ou prise au piège, de personnages empreints de religiosités, qui ont souffert, des bandits, des domestiques qui exercent une emprise, etc…
  • Des thèmes tels que le secret honteux qui hante les vivants, le surnaturel, les unions interdites, le pacte, la fuite impossible…

Voilà, j’espère vous avoir envie de découvrir ces auteurs d’autrefois (du Maurier et Poe) ou Cécile Coulon si vous voulez frissonner en sortant des sentiers battus du polar que nous connaissons tous et que je ne dédaignerai jamais. J’ai dans ma pile de livres à lire un autre roman qualifié de « gothique » et signé Alexandre Dumas. Je m’y lancerai bientôt. J’ai été très étonnée de découvrir qu’il s’était essayé au genre…

Chronique littéraire: « Un bûcher sous la neige » de Susan Fletcher

Aujourd’hui, je viens vous parler de mon dernier coup de cœur littéraire ou plutôt d’un coup de cœur tout simplement. Il est venu à moi dans une box kube. Si vous ne connaissez pas le concept, il s’agit d’un abonnement mensuel (on peut aussi le faire en one shot, en offrant une carte cadeau ou pour soi-même, il existe également des coffrets thématiques mais je vous conseille de visiter leur site) à une box qui comprend un livre, ainsi que des goodies et souvent un thé à découvrir et/où une gourmandise. Le livre est choisi par un libraire indépendant sur base d’envies de lectures (style recherché, auteurs favoris, derniers livres lus) renseignée auparavant. Vous pouvez aussi choisir de recevoir l’un des trois livres chroniqués chaque mois par les fondateurs de Kube. Pour ma première box, j’avais renseigné des envies et j’ai donc reçu un roman qui se passe en Ecosse au XVII siècle.

Je vous laisse lire la quatrième de couverture : « Au cœur de l’Ecosse du XVII siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher. Dans le clair-obscur d’une prison putride, le révérend Charles Leslie, venu d’Irlande, l’interroge sur les massacres dont elle a été témoin. Depuis sa geôle, la voix de Corrag s’élève au-dessus des légendes de sorcières et raconte les Highlands enneigés, les cascades où elle lave sa peau poussiéreuse. Jour après jour, la créature maudite s’efface. Et du coin de sa cellule émane une lumière, une grâce, qui vient semer le trouble dans l’esprit de Charles »

J’ai d’abord été dubitative face à ce roman parlant de solitude et d’une époque tellement révolue, mais finalement, j’ai été happée en quelques pages par le personnage de Corrag, jeune femme au cœur pur condamnée pour sa différence, l’écriture parfois lyrique de Susan Fletcher et l’atmosphère générale du roman. Les chapitres alternent entre la longue « confession » de Corrag, de sa fuite depuis l’Angleterre à son témoignage à propos du massacre du clan Mc Donald, et les lettres écrites par le révérend Leslie à sa femme, empreinte au fil du temps de plus en plus d’empathie envers la soi-disant sorcière.

Ce roman m’a plu car il mêle un côté historique (le contexte politique de l’écosse est brièvement résumé en fin d’ouvrage et permet de s’y retrouver) et un autre très contemplatif. Corrag fait à certains moments quasi corps avec la nature et certains passages sont d’une beauté bouleversante. Je ne me suis pas du tout ennuyée malgré les longs passages descriptifs qui nous transportent vraiment dans un autre temps et d’autres lieux et aident à comprendre qui est Corrag. Ce roman est aussi un hymne à la tolérance face à la différence, à ces gens en marge, que nous ne comprenons pas, qui sont pourvus d’une sensibilité différente. Bref, si vous aimez l’Ecosse, que vous êtes fan d’Outlander, que vous chercher un roman hivernal avec un personnage féminin dont la fragilité est toute la force et que vous êtes sensibles à la nature, ce roman est fait pour vous. Il me tarde maintenant de découvrir davantage de romans de Susan Fletcher et je remercie Kube et Manon G. , la libraire au nez fin qui a choisi un livre parfait pour moi.

40

Aujourd’hui, j’ai enfin 40 ans. Enfin oui, car après des mois à ne pas passer une semaine quasi sans que quelqu’un me rappelle que cette année ça allait être mon tour, j’avais hâte d’arriver à cette journée et de voir si subitement, j’allais constater les ravages du temps. Il est encore trop tôt pour savoir si je vais y survivre, mais je constate que comme pour les 20, comme pour les 30, pas grand-chose ne change, ni pour moi ni pour les autres. Si ce n’est le regard que l’on nous porte, que l’on se porte à soi-même aussi, mais peut-on dissocier les deux ?

Cette année j’ai tout fait pareil, pas de grande fête, pas de tenue extravagante, pas d’envies démesurées. Pourtant j’en fais un article me direz-vous…eh bien oui tout de même, car ces 40 ans riment, à quelques mois près, avec mes 15 ans dans l’asbl où je travaille. Et cette stabilité ça me travaille. Je réfléchis depuis des mois à ce que je veux garder dans ma vie, voir fructifier, élaguer, cultiver, ce dont je veux me délester.

Mon amie Nuria, qui ne me lira probablement pas car elle est espagnole et ne connait pas l’existence de ce blog, termine souvent ses posts instagram très spirituels par des hashtags tout aussi spirituels, tels que « si te hace feliz aumenta la dosis » (ça sonne tellement mieux en espagnol, comme à peu près tout d’ailleurs). J’aime planifier, j’ai un côté control freak et pourtant, je n’ai jamais réussi à avoir de plan bien défini pour ma vie. Quel métier faire ? Où vivre ? Vivre seule ou non ? J’ai navigué à vue et continue à le faire, cela répond sans doute tout de même à un besoin de liberté.

A 40 ans comme à 20, je m’assois toujours à même le sol dans les gares si le train a du retard et que je suis fatiguée. A 40 ans comme à 15, je fais toujours la grasse matinée. A 40 ans comme toujours, je porte quelquefois des vêtement dont j’ignore moi-même s’il sont vraiment beaux, littéralement un exercice de style. A 40 ans comme à 10, je n’imagine pas ma vie sans mes parents. A 40 ans comme à 18, j’attends toujours ma lettre d’admission à Hogwarts (oui j’étais déjà un peu vieille je sais). A 40 ans, j’ai toujours les mêmes amis que quand j’avais 3, 10, 12, 18, 23, 30 ou 35 ans. Je les accumule sur mon chemin, c’est peut-être cela finalement mon projet familial atypique. Quel réconfort de ne pas évoluer parfois, d’éprouver la solidité des liens, la force de l’habitude et le détachement toujours plus grand du regard des autres.

Et maintenant ? Et maintenant, je veux encore plus de tout cela, je veux m’asseoir dans de nombreuses gares, fouler de nombreux quais qui m’emmèneront aux quatre coins de l’Europe et peut-être au-delà. Je voulais aller en Andalousie et en Cornouailles avant mes 40 ans. Ce n’est que partie remise. A la place cette année, un autre rêve, la Norvège. Le pays le plus cher d’Europe en pleine inflation spectaculaire d’à peu près tout. Après nous les mouches dit-on ! Je veux encore plus de théâtre, de moments complices avec mes partenaires, de stress en coulisses, de nuits trop courtes, de projecteurs qui font mal aux yeux et de fierté. Je veux oser mes propres projets professionnels, me prendre au sérieux, proposer des choses et des façons de faire en totale conscience et confiance envers qui je suis et ce que je suis capable d’apporter. Je veux être avec les gens que j’aime, enfants, amis, parents, aînés, fabriquer des souvenirs pour dans 5-10-15-20-50 ans même. Je veux parler espagnol, jouer de la guitare, écrire, courir et jardiner, le tout sans pression ni échéance. Je pense que je tiens le bon bout. Et si l’univers m’envoie une petite maison à prix raisonnable avec un petit jardin et une petite pièce bureau-bibliothèque, ce sera la cerise sur le gâteau.

Et vous, est-ce que les chiffres ronds vous mettent la pression ou vous font philosopher ?

Et pour conclure, juste comme cela, une capture du superbe film qu’est « Boyhood »…

« Evelyn » d’Orlando Von Einsiedel

J’ai récemment décidé de changer le format de mes bilans. En effet, en commençant ce blog, j’ambitionnais de parler de mes coups de cœur et si j’aime l’idée de conserver une trace de tout ce que je consomme, je trouve que ce qui me plait vraiment reste trop souvent noyé dans la masse. C’est pourquoi je vous retrouve aujourd’hui pour vous parler d’un documentaire que j’ai regardé sur netflix. Je ne sais pas comment je suis tombée dessus (le hasard des suggestions, mais ça veut dire que je regarde vraiment des trucs assez glauques) ni pourquoi j’ai cliqué (thématique : le suicide…ah mais n’aurais-je pas un master en psycho ? ce doit être cela…), mais en tout car j’ai vraiment aimé et c’est pourquoi je lui dédie un article pour lui tout seul. ?

Evelyn Von Einsiedel (le frère du réalisateur donc) est un jeune homme d’une vingtaine d’années qui s’est ôté la vie il y a de cela une dizaine d’année. S’apercevant que les années passent et que la famille ne parvient toujours pas à exprimer ses émotions, Orlando, son frère et sa sœur, trentenaires, décident de partir pour une longue marche, notamment à travers l’Ecosse, dans des endroits que leur frère affectionnait. Au long de cette marche, ils seront accompagnés successivement par leur mère, puis leur père et leur belle-mère et enfin leurs meilleurs amis. Ils évoqueront leurs souvenirs, heureux et traumatiques, la mémoire de leur frère, ce qui les lie et ce qui les sépare… Ils auront également l’occasion d’interagir avec des étrangers au long du périple, qui les questionnent sur ce qu’ils sont en train de faire (puisqu’ils sont tout de même suivis par des caméras) et s’aperçoivent que beaucoup ont connu, de près ou de loin, une tragédie semblable. J’ai trouvé ce film intime (notamment grâce aux extraits de vidéos familiales du temps où tout allait bien) mais pas impudique, comme si cette famille nous faisait un cadeau. J’ai été extrêmement émue par l’émotion, mais aussi la poésie et la lumière qui se dégagent de cette œuvre brute. Elle a également le mérite de briser les tabous autour de la maladie mentale (Evelyn avait un diagnostic de schizophrénie), de montrer des hommes qui acceptent de montrer leurs émotions et leurs larmes et de rappeler que le deuil n’est pas un processus linéaire avec une ligne d’arrivée claire. A la fin, j’avais envie de leur faire à tous un énorme hug (ce que fait d’ailleurs un inconnu avec la sœur à un moment).

Si vous parlez/comprenez l’anglais, je vous partage ci-après un poème de Nicholas Evans que la fratrie lit à la fin du film…

If I be the First of us to Die

If I be the first of us to die,
Let grief not blacken long your sky.
Be bold yet modest in your grieving.
There is a change but not a leaving.
For just as death is part of life,
The dead live on forever in the living.
And all the gathered riches of our journey,
The moments shared, the mysteries explored,
The steady layering of intimacy stored,
The things that made us laugh or weep or sing,
The joy of sunlit snow or first unfurling of the spring,
The wordless language of look and touch,
The knowing,
Each giving and each taking,
These are not flowers that fade,
Nor trees that fall and crumble,
Nor are the stone,
For even stone cannot the wind and rain withstand
And mighty mountain peaks in time reduce to sand.
What we were, we are.
What we had, we have.
A conjoined past imperishably present.
So when you walk the wood where once we walked together
And scan in vain the dappled bank beside you for my shadow,
Or pause where we always did upon the hill to gaze across the land,
And spotting something, reach by habit for my hand,
And finding none, feel sorrow start to steal upon you,
Be still.
Close your eyes.
Breathe.
Listen for my footfall in your heart.
I am not gone but merely walk within you.

Je vous laisse avec l’envie, ou non de voir cette jolie œuvre/hommage.

Ecrire…

Depuis que je suis toute petite, j’ai envie d’écrire. Mais qu’est ce que cela veut dire au juste avoir envie d’écrire ? Et pourquoi n’ai-je jamais « rien » écrit ? Par rien, j’entends une fiction avec un début et une fin. Une première majuscule et un point final. Une histoire. Un texte à faire relier et qui peut être mis entre les mains d’une tierce personne. Là est peut-être le problème. La définition du rien ou plutôt le fantasme du tout. Depuis que je sais écrire et lire, je rêve qu’un jour, j’écrirai un livre. Une fiction pour être précise. Or, au crépuscule de la trentaine, je n’ai toujours pas accouché de ce premier roman, de cette opera magna qui fera de moi une femme accomplie, une femme qui n’a pas oublié ses rêves de petite fille. Or pour écrire un roman, il faut deux choses essentielles : avoir quelque chose à dire et être prêt à travailler. Comme le premier, qui me parait également le prérequis, ne s’est jamais présenté (autrement que comme un début je veux dire), je n’ai jamais essayé de le forcer. Je ne ferai jamais partie de ces auteurs qui disent avoir besoin d’écrire pour vivre. Vous savez, ceux qui semblent possédés par des personnages et des messages plus grands qu’eux et qui racontent le besoin impérieux de les externaliser sous forme de récit. Je n’ai pas ces choses-là à dire. Je n’ai pas non plus le sentiment d’avoir quelque chose d’autobiographique qui vaille le coup à part des bribes de journal intime, mais il serait bien narcissique que de penser que cela a une quelconque valeur, tant du point de vue de la forme que du fond. D’autres auteurs eux, expliquent qu’il faut s’asseoir jour après jour à la table et se mettre à écrire, une phrase après l’autre, inlassablement et avec rigueur. Ainsi pourrait on également mettre au monde une histoire. Je ne l’ai jamais tenté non plus. Au fond, est-ce que je veux vraiment écrire un livre ? Et suffit pourquoi le voudrais-je ? Et le vouloir suffit-il ? Peut-être ne me suis-je pas encore détachée du moi idéal que je me suis façonnée sur mesure à l’adolescence que pour m’avouer que je ne l’écrirai pas ce livre. Que je ne l’écrirai pas et que ce n’est pas grave. Pourquoi est-il si important pour moi de m’identifier à une image de personne créative, d’artiste, d’intellectuelle. Je l’ignore. Au final, cela ne fait que nourrir une insatisfaction et il faudrait sans doute que je parvienne à me détacher de tout cela. Que je me détache de cette notion d’objectif, d’accomplissement, de performance. Ces idées abstraites et subjectives qui ont si souvent été un poison pour moi. N’osant pas parler de mes rêves de peur que l’on me questionne sur le pourquoi du comment je ne les ai pas atteints. Mais les questions les plus pertinentes et acérées ne risquent-elles pas de venir de moi-même ? Et n’ai-je pas mérité la liberté de penser ce que je veux de moi-même ? N’ai-je pas le devoir aussi d’arrêter de me regarder pour me tourner vers un monde ou d’autres histoires sont possibles que la mienne ? Que ma quête d’une image ? Ne ferais-je pas mieux d’accepter que je n’écrirai par ce livre. Mais que j’écris d’autres choses, qui sont lues ou pas. Que mon métier, que je n’ai pas eu le sentiment de choisir, j’y ai peu à peu trouvé un certain épanouissement. On ne sait pas toujours pourquoi on fait un choix, mais il faut pouvoir se demander pourquoi on le maintient et écouter les réponses. Et s’il n’y avait pas que la peur du changement ? Mes mots sont bien décousus et si je les publie, je ne m’attends pas à ce qu’ils soient intégralement compris, mais cela me fait du bien et elle est peut-être là ma plume. Une plume qui ordonne les états d’âmes, qui panse les blessures, qui décrit le chaos, qui lui donne sinon une forme du moins une ombre que je peux apprivoiser et surveiller du coin de l’œil. Elle est peut-être là ma plume et si j’écris, ne suis-je pas auteure malgré tout ?

Eclats d’âme en vrac

Je suis indignée par ce qu’il se passe en Russie, où l’on emprisonne un homme que l’on a cherché à empoisonner, sous des prétextes fallacieux, parce qu’il dénonce un régime totalitaire.

Je suis admirative de ce même homme, Alexeï Navalny, qui mène un combat désintéressé, plus grand que sa propre vie.

Je suis blasée de savoir qu’un engin s’est posé sur Mars et je me demande ce que l’argent  et les connaissances investis dans ce projet auraient pu changer à la pandémie mondiale et au réchauffement climatique…

Je suis réconfortée lorsque j’apprends que deux des plus grands milliardaires sud-coréens ont décidé de faire don de la moitié de leur fortune afin que de l’aide sociale puisse être apportée aux plus démunis de leur pays

Je suis remplie d’un amour que la pandémie m’empêche de donner et partager

Je suis bizarrement énergisée par cet amour, cette énergie et cet enfermement sans doute

Je suis reconnaissante, chaque jour en lisant la presse, d’être née dans un pays d’Europe et dans une bonne famille. J’ai sans doute plus de chance que 90% des gens sur cette planète.

Je suis impatiente d’être vaccinée. On nous le promettait pour mars ce vaccin, mais je désespère.

Je suis estomaquée de lire notre ancienne ministre de la santé qui s’en prend sur twitter à une psychiatre se disant heureuse d’être vaccinée et d’entrevoir de futures libertés. Mal lui en a pris à elle et sa morale mal placée.

Je suis révoltée par le sort des Ouïghours, esclavagisés en Chine au vu et au su de tout le monde. Révoltée face à l’inertie des gouvernements occidentaux. Révoltée par les multinationales qui profitent de cet esclavage moderne, cet anachronisme qui ne devrait pas exister. Révoltée de voir à quel point nous dépendons de la Chine financièrement parlant et de comment l’argent justifie tout. Pour plus d’infos je vous conseille de suivre le député européen Raphaël Glucksmann.

Je suis heureuse de gagner suffisamment bien ma vie que pour pouvoir actuellement travailler à 4/5° temps. Heureuse aussi d’être capable de résister aux sirènes de la consommation et de privilégier l’être à l’avoir.

Je suis frustrée car j’ai envie de danser, de serrer dans mes bras, d’embrasser.

Je suis stimulée par de riches conversations avec de belles personnes.

Je suis inspirée par mes lectures, par le printemps qui arrive.

Je suis plus que jamais attentive au petits plaisirs que je m’efforce de repérer et de reconnaitre comme tels.

Je suis fatiguée par cette société qui célèbre la liberté d’expression en même temps qu’elle flique de plus en plus la pensée, à l’affut du moindre faux pas adolescent ou de la moindre minorité offensée. Prête à condamner sans donner la possibilité de s’amender. Prête à interdire le débat. Prête à crier partout à l’appropriation culturelle. Vraiment fatiguée.

Je suis tout aussi excitée qu’effrayée par un futur déconfinement. Incroyablement excitée de revivre tant de belles choses, pas mal effrayée de ressortir d’une bulle un peu trop confortable.

Je suis libérée par cet acte d’écrire tant de sentiments, violents ou non, qui me traversent parfois en une journée comme tant d’autres.

Dans le bois derrière chez mes parents, 20 février 2021…

S’accrocher

Il y a plus ou moins deux heures, CNN a officialisé la nouvelle que j’attendais depuis 4 jours : Joe Biden et Kamala Harris vont faire leur entrée à la Maison Blanche et en déloger Donald Trump et Mike Pence. Leur histoire m’inspire cet article. Joe Biden a bientôt 78 ans, il a perdu sa première femme et une petite fille de 18 mois dans les années 70. Il s’est remarié et il y a 5 ans il a perdu son fils aîné d’un cancer. Aujourd’hui, à 78 ans, il est en coulisses, prêt à monter sur scène pour le plus grand rôle de sa vie. Cela peut paraitre quelque peu désespérant de penser que l’Amérique n’a pas d’alternative à Donald Trump qu’un homme de 78 ans. Mais aujourd’hui, cette élection me remplit d’optimisme. Parce que cet homme est un survivant et qu’il prouve que tant qu’on vit, rien n’est jamais terminé. Parce qu’il a à ses côtés une femme de couleur, la première à occuper cette fonction. Parce que c’est l’occasion pour les Etats Unis et le monde de renouer avec la décence, la vérité scientifique et la tolérance. Parce qu’ils se sont accrochés et que cela vaut la peine de s’accrocher.

Pour le moment, nous devons tous nous accrocher. Nous accrocher en attendant que la vague fléchisse. Nous accrocher face aux images de terrorisme, de conflits en Arménie et ailleurs, d’hôpitaux bondés…

Aujourd’hui, je retiens cette élection qui réinstalle de l’espoir pour le monde. Je m’accroche à cet espoir. Parce que je vois des gens se donner corps et âme pour prendre soin des autres. Parce qu’un magasin de producteurs locaux va s’installer dans ma rue, dans ma petite ville que je ne trouve pourtant pas très engagée pour l’écologie. Parce que mon école de musique ne ferme pas et va m’aider à supporter ce confinement. Parce que c’est l’automne et que la lumière est superbe. Parce qu’après cette tempête, je compte vivre beaucoup de belles choses.

S’accrocher. S’accrocher les uns aux autres. S’accrocher et s’accorder tant que possible. S’accrocher et remettre l’ouvrage sur le métier autant de fois qu’il le faudra. S’accrocher et continuer à rêver. S’accrocher et ne pas céder. S’accrocher à son centre de gravité. S’accrocher à ce qui nous fait du bien. S’accrocher et ne pas relâcher nos efforts. S’accrocher et prendre exemple. S’accrocher et patienter. S’accrocher parce que c’est la seule voie…

Courage à tous et à tous, plus ou moins sensibles à l’actualité, plus ou moins impactés par la situation sanitaire, plus ou moins effrayés ou émerveillés d’être tous ensemble sur ce grand bateau…

Et pour conclure, cette superbe chanson de Jacques Brel, « La Quête » :

Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d’une possible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu’à la déchirure
Aimer, même trop, même mal
Tenter, sans force et sans armure
D’atteindre l’inaccessible étoile

Telle est ma quête
Suivre l’étoile
Peu m’importent mes chances
Peu m’importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l’or d’un mot d’amour

Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon cœur serait tranquille
Et les villes s’éclabousseraient de bleu
Parce qu’un malheureux

Brûle encore, bien qu’ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s’en écarteler
Pour atteindre l’inaccessible étoile

C’est reparti…plaisirs d’automne

Après la trêve estivale, nous revoici donc aux portes du confinement. A la fois tous dans le même bateau et seuls face à tant d’interrogations. Comment ne pas sombrer alors que cette saison est déjà pénible pour beaucoup et que nous faisons face à un échec politique et citoyen de grande ampleur. Voici la question que je me pose en ce dimanche matin pluvieux. J’aime cette saison, mais je suis affectée comme tout le monde. Affectée par ce climat anxiogène et déprimant. Affectée face à la probable annulation du spectacle que je devais jouer en novembre. Difficile de vivre ce retour en  arrière aussi positivement que je l’avais fait lors du confinement premier. En effet, le printemps et les journées qui allongeaient nous facilitait quand même la vie. La naïveté aussi. Alors comment faire pour affronter les journées de (télé)travail qui s’en viennent sans pouvoir profiter de nos proches et activités récréatives et culturelles. Voici mon kit de survie personnel pour traverser cette épreuve. Il est fait d’images, de moments, de projets et de microscopiques rituels salvateurs. Je vous invite à vous en inspirer et à dresser votre propre liste. Action !

Le Hygge ! Plus que jamais. Pour moi, ce sont des films réconfortants ou un feu de bois qui crépite dans ma télévision puisque je n’ai pas la chance d’avoir un âtre. Mes bougies à la cire végétales sont commandées, j’attends qu’elles me soient livrées pour illuminer mes soirées ! Ajouter à cela un bon thé ou un chocolat au Marshmallow et le tour est joué !

Home sweet home…

L’écriture ! Plus que jamais. Que ce soit ici sur mon espace virtuel, dans des fichiers secrets ou même sur papier. J’ai plusieurs fois ressenti une urgence à écrire ces dernières semaines. Pour évacuer, pour me recentrer, pour déplier mes pensées et savoir où j’en étais. Les mots sont plus que jamais mes amis.

Corollaire inévitable, la lecture ! Impossible de m’endormir sans lire et que j’aime aussi les après-midi pluvieux qui s’étirent, allongée à dévorer les mots. Je parcours également pinterest et ai créé un tableau poésie. J’ai délaissé la poésie ces dernières années, mais durant ma formation théâtrale, j’avais l’habitude d’en lire énormément et d’en déclamer. Les poètes sont les vrais messagers de l’âme.

Me remettre à l’espagnol. J’ai un abonnement Babbel que je sous utilise. Il est temps de m’y remettre pour programmer enfin ce voyage andalou dont je rêve depuis 15 ans. Quand tout cela sera terminé, je veux y foncer et m’y exprimer dans la langue locale.

La guitare. Une nouveauté de cette année. Mes cours ne sont pas (encore ?) suspendus et j’en suis ravie. J’éprouve un plaisir enfantin à débarquer dans une discipline totalement nouvelle. Je ne connaissais aucun accord et je ne sais pas lire la musique. Quelle sensation agréable de se mettre en totale ouverture et ne sachant rien face à quelqu’un qui sait tout. Et se laisser guider, questionner mais ne rien remettre en question, sentir ses doigts brûler et finalement la note juste résonner…

Les gratins ! C’est bête mais voilà où j’en suis arrivée. Je cuisine des gratins et je les stocke. Qui aurait cru que l’allergique aux fourneaux que je suis se défoulerait un jour ainsi. Bon, les gratins, c’est pas très compliqué, mais c’est bon et c’est très satisfaisant. Si je dois rester semi-confinée, ce sera aussi l’occasion de reprendre en main mon alimentation.

La forêt, les couleurs de la forêt, les bruits de la forêt, la texture de la forêt, les surprises de la forêt, la magie de la forêt…

Le sport. Il est mis à mal le sport, les salles ne sont plus très fréquentables et d’ailleurs elles sont fermées. Je n’ai pas repris d’abonnement mais du coup je suis privée de routine. Depuis l’été en vérité, elle laisse à désirer. Il ne me reste que la course et j’ai investi dans un harnais fluo pour le soir. Malheureusement le soir hors de question de partir seule dans les bois et les champs. Il va me falloir trouver de chouettes itinéraires urbains pour continuer. A compléter avec du travail au poids du corps à la maison. Plus dur l’hiver qu’au printemps d’être fit et confinée.

Mon projet couture. J’ai un patron, j’ai du tissus, y a plus qu’à… le plus dur, pour moi qui ai encore peu d’expérience, ce sera de dompter la machine. J’ai déjà cassé des aiguilles, je m’attends au pire, mais youtube sera mon ami et je peux toujours appeler à l’aide en visio.

Celle-ci, en bordeaux, sur le site de Cousette

Le théâtre. Certes nous ne jouerons pas en novembre, mais je chéris le temps passé avec mes partenaires, avec qui je traverse cette période depuis des mois. Avec qui j’ai des contacts réguliers, plus qu’avec beaucoup d’amis que j’ai renoncé à voir à cause de la situation sanitaire. J’espère pouvoir continuer à répéter et chanter avec eux en appliquant au maximum les gestes barrière. Parce que c’est mon évasion. Parce que j’ai besoin de m’inscrire dans un projet. Parce que nos rencontres sont des bulles d’insouciance dans un océan d’incertitude.

Instantané de répétition…

Et puis, une fois n’est pas coutume, je vais en profiter pour faire du tri. Et scruter les annonces pour les ventes de maison. M’instruire toujours plus. Avoir des contacts avec mes proches en usant de créativité. Me reposer. Economiser pour profiter de l’après. Prendre soin de moi. Et si je cours et que j’écris et que j’apprends, je vais y arriver.

Je pense encore une fois à nos soignants. A nos professeurs. A mes collègues. Aux transporteurs. A tous ceux qui vont au front. A tous ceux qui souffrent économiquement aussi. Aux petits commerçants. Il nous revient tous ensemble de lutter contre l’obscurité et contre l’obscurantisme et la désinformation qui tuent dans les hôpitaux et aux abords des collèges. L’histoire de Samuel Paty me bouleverse profondément ces derniers jours. Alors dans cet hiver qui s’annonce rude, prenons soin de nous, des autres et gardons notre cœur et notre esprit ouvert, même si nous devons fermer la porte…

Courage à tous et toutes…

ça n’arrive qu’à moi

Voici un texte brut, écrit lors d’un après midi pluvieux du début d’automne chez une amie. Les consignes sont d’elle. Je ne les ai pas complètement respectées, mais il parait qu’elles sont là pour ça. Je le trouve un peu pompeux mon texte. Mon amie l’a trouvé « classe ». Moi ça me fait un bien fou d’écrire pour m’amuser, alors je décide de le publier ici. Bon weekend à tous

  1. Ça n’arrive qu’à moi
  2. Placer quelque chose qui me contrarie
  3. Pourtant

Il y a quelque chose de merveilleux et de terriblement triste à se dire que tout ça n’arrive qu’à moi. Que la vie est universelle mais que son expérience subjective est unique. Et que toute notre vie, nous la passons à chercher des êtres qui nous ressemblent pour assouvir ce besoin de connexion qui abolirait la solitude inhérente à notre condition. Ou, s’ils ne nous ressemblent pas, au moins des êtres qui auront cette curiosité et l’empathie nécessaire pour nous prendre la main et regarder au fond de notre âme sans jugement. Ça n’arrive qu’à moi et pourtant lorsqu’on tombe amoureux on a l’illusion d’être deux. Et puis on se réveille et on se rend compte qu’on est seul. Et c’est une petite mort. Ca n’arrive qu’à moi et pourtant nous l’avons tous vécu. Cette fois où un pigeon m’a chié sur la tête à ma première boum. Cette fois où j’ai rêvé que je volais et où je me suis éveillée au sommet d’une montagne. Et cette autre où ton regard m’a clouée au sol avant de me ressusciter. Alors, il ne me reste que les mots. Je cherche des livres écrits pour moi. Des livres qui me donneraient des nouvelles de moi, qui me raconteraient que je ne suis pas seule. Que c’est arrivé à d’autres, même si ce ne sont que des personnages de papier. Je rêve de m’éveiller ancrée parmi eux sur les pages d’un livre. Et comme je ne les trouve pas, j’écris. J’écris pour me donner la force d’avancer. J’écris pour savoir qui je suis. J’écris pour ne pas exploser. J’écris et ça n’arrive pas qu’à moi.

Anxiété

L’anxiété est une vieille compagne de route pour moi. Dès l’enfance, je l’ai sentie planer, comme une mauvaise fée qui se serait penchée sur mon berceau. Elle circule dans la famille et parmi les belles choses qui m’ont été léguées, elle figure avec sa moche dégaine et m’a souvent gâché de beaux moments, voire des relations. Elle me susurre à l’oreille des croyances vénéneuses déguisées en vérité. Des mensonges qui me conduisent à me sous estimer, à me faire endosser la casquette de metteuse en scène de scénarii catastrophe et à éviter toutes sortes de dangers imaginaires. Elle s’est déjà manifestée sans que je m’y attende, un matin d’été au réveil. Elle s’invite lorsque je tiens à quelqu’un ou quelque chose que j’ai peur de perdre. Comme je crains de la voir surgir, je la provoque parfois et elle ne manque pas d’apparaitre avec son cortège de pensées paralysantes et dévalorisantes. J’aimerais penser que je l’ai vaincue pour de bon, mais d’outre tombe elle me commande de ne pas être si présomptueuse. Et pourtant, je finis toujours par gagner. Bien sûr j’y perds des plumes, bien sûr certaines cicatrices sont douloureuses, mais je ne renie pas les apprentissages que je tire de ces croisades. Cette année, avec le confinement, j’ai eu l’occasion de beaucoup réfléchir et de me sentir « alignée », pleinement consciente de qui je suis, de ce que je veux et de comment y parvenir. Puis, le monde extérieur, un monde extérieur aux apparences trompeuses et chargé d’une menace nouvelle, a rouvert ses portes et tout cela a vacillé à nouveau. Une nuit, ma vieille ennemie m’a rendu visite. J’ai senti la chambre tourner à nouveau. J’ai eu la tentation de fuir, de me reconfiner en moi-même. Et puis je me suis levée. J’avais à faire, quelqu’un avait besoin de moi et je me devais d’honorer mon engagement envers cette personne et envers moi-même. Envers la femme que je suis devenue, envers la professionnelle fiable et solide que je suis. Depuis, le chemin se poursuit et plus de visite surprise. Pourtant, rien n’est plus facile qu’avant. Pourtant ma tanière est confortable et me fait de l’œil. Mais j’ai décidé de grandir encore, d’éclore un peu plus chaque jour, de prendre le risque de tomber en sachant que j’ai les épaules pour me relever (et surtout les jambes) et que, si je tends la main, il y a fort à parier que quelqu’un la saisira.

Belgique, 29 juillet 2020