Journal de Confinement 2: 22 – 29 mars
Lundi 23 mars : Animer une réunion d’équipe avec neuf personnes sur microsoft teams : Check !
Mais après « j’ai la tête qui éclaaaaaaate j’voudrais seulement dormir… ». Non je plaisante, c’est toujours la forme.
Durant mes moments de pause aujourd’hui, la reine Victoria succède à Elizabeth I et je poursuis mes coloriages apaisants.
L’après midi coups de fils professionnels pour m’assurer que les choses ne partent pas en vrille, ça a l’air d’aller.
Le soleil est toujours avec nous, je décide d’aller marcher jusqu’à un bois dont le parking a apparemment été fermé aux voitures car il y avait des regroupements. Je ne sais pas ce que les gens ne comprennent pas… Du coup, lorsque j’y pénètre enfin après presque 5 kilomètres, j’y suis accueillie par un calme absolu. Une riveraine s’y débarrasse de ses herbes tondues me confirme que c’est fermé en bas près des parkings et des étangs mais que je devrais pouvoir le traverser et rejoindre la route en contrebas. Je me lance. En temps normal, cette situation, moi seule dans un bois, m’insécuriserait. Parce que je suis une femme. Parce qu’on entend trop de faits divers, de joggeuses violées… Aujourd’hui, je me sens en communion totale avec la nature et avec moi-même. Je compatis avec ceux qui s’ennuient, moi je chéris ce temps qui me permet de déplier mes pensées, de me soulager du fardeau de la course permanente, de renouer avec ma créativité… Dommage qu’il faille une crise sanitaire pour jouir de ce calme.
Les bois sont si tranquilles, je fais le moins de bruit possible pour ne pas déranger la musique que joue la nature en sourdine. Tout se ressemble autour de moi et si je ne connaissais pas l’endroit, je pourrais imaginer qu’il s’étend à l’infini. Les petites touches vert tendre sur certains arbustes sont les seuls témoins de l’éveil du printemps alors que la « golden hour » sème la confusion et que l’on pourrait s’imaginer en automne. Le temps est suspendu et le calme est grand à l’intérieur de moi. Je me dis que je suis prête à voyager seule et que j’ai de la chance, après des années parfois tourmentées, comme tout le monde, d’être arrivée à ce stade de ma vie où je suis heureuse d’être confinée avec moi-même… Je retrouve mon chemin et la balade se poursuit et se conclut en plein soleil en longeant le fleuve pour rentrer.
De retour, réponse à quelques messages professionnels, souper sain et ablutions.
Je lis la presse et j’apprends avec soulagement que depuis samedi le nombre de cas avérés et de décès diminuent en Italie. Les articles fleurissent qui disent que le confinement n’aurait pas dû être la solution mise en place par les autorités. L’avenir nous confirmera si c’était un pis-aller comme l’affirment beaucoup de médecins et de spécialistes de la santé publique, mais quelle que soit la méthode, heureusement, elle semble commencer à porter ses fruits.
La soirée est consacrée à l’écriture et à quelques leçons de néérlandais.
Demain je vais reprendre ma voiture pour aller au travail. C’est mon tour de permanence. Là-bas j’aurai même un jardin. Je suis contente de quitter mon domicile, mais en même temps, je me suis faite à cette bulle où je ne suis un danger ni pour moi-même ni pour les autres et demain, il va me falloir croiser d’autres humains. Pas le choix, telle est ma mission…
Mardi 24 mars
Journée de travail au bureau, la première depuis mercredi dernier. Je me lave les cheveux,première fois depuis lundi 16. Oh my God, ils sont si volumineux et légers, je peine à les discipliner. Normalement une cure de sébum doit durer 1 mois, nous verrons donc ce que produisent 8 jours d’abstinence. Je compte espacer le plus possible durant le confinement. Comme on ne peut pas m’approcher, j’espère faire illusion.
En partant, je me concède deux viennoiseries à la boulangerie en bas de chez moi, mon péché consumériste de la semaine.
Journée au ralenti au bureau, nous gérons les choses par téléphone, nous mettons souvent des emplâtres sur des jambes de bois, mais on ne peut rien faire de plus actuellement. Le soleil nous accompagne toujours et je fais le plein de lumière au jardin.
Retour, souper frugal. Je repense à mes mots d’hier. Je me demande si je dois me sentir coupable de me sentir bien. Je vois la rage des médecins qui scandent que nous ne sommes pas en vacances. Ils ont raison, mais je décide de m’absoudre. Je travaille, je respecte toutes les recommandations (et ici nous pouvons toujours faire de l’exercice, même avec un ami, et moi je le fais seule) et je respecte profondément le travail et la souffrance des autres. Je pense que c’est leur faire honneur que de mettre à profit ce temps qui nous est donné à nous, bien portants contraints à ralentir, pour nous replier en nous-mêmes, prendre soin de notre santé et conserver notre bonne humeur. Je vois la créativité et les messages bienveillants fleurir autant que la nature et cela me réchauffe le cœur, moi souvent si désespérée par l’humanité. J’espère qu’un peu de cette conscience collective et de cette nouvelle présence aux autres et au monde qui nous entoure pourra survivre à la crise.
19h21, j’ai été distraite car j’écrivais un mail en même temps et lorsque je relève la tête, Stéphane Bern est en train de nous emmener sur les traces de la chambre d’évacuation des latrines de Catherine de Médicis. Véridique, il examine le reliquat de ce qu’ils supposent être un préservatif en boyau de mouton. Grandeur et décadence… Ouf, il ressort de là et nous voilà en Ecosse sur les traces de Marie Stuart. Je suis fan de Secret d’Histoire c’est fait. Ouille maintenant un vieux hallucine dans un château en ruine et voit Marie Stuart en train de se brosser les cheveux…comme le dit la voix off il « entretient une relation unique avec son fantôme ». Ahem !
Comme vous l’aurez compris, mon moment culture est aujourd’hui encore consacré à une reine. Je fonctionne par phases…demain Marie Stuart peut-être, ou Laurent le Magnifique… J’aimerais tant retenir tout cela, mon manque de culture historique m’ennuie beaucoup.
Je m’arrête ici, je vais sans doute poursuivre mon apprentissage du néérlandais avant de m’octroyer un épisode de série puis un livre et au lit. Pas de sport aujourd’hui, il me faudrait courir demain pour compenser toutes ces canneberges enrobées de chocolat que je m’offre au quotidien. On n’est jamais vraiment seul lorsqu’on a du chocolat…si ?
Mercredi 25 mars
Finalement il n’y aura eu ni sport ni pratique de la langue de Vondel hier.
J’ai entendu du bruit à ma fenêtre alors qu’il faisait noir et c’était des gens qui applaudissaient tandis que les cloches de la collégiale retentissaient. J’ai ouvert la fenêtre, applaudi et par là vu la tête de voisins dont j’ignorais jusque là l’existence. Une fille a joué quelques accords de guitare. Poésie… Je reçois de la poésie par mail aussi, ça fait du bien.
Ce matin, je traite quelques urgences à distance, j’alterne entre des tâches domestiques, du travail, de la culture. L’élu du jour est Voltaire. Je savoure le jus de 3 oranges bio de Sicile offertes par mon papa avant que nous soyons confinés. Quel goût merveilleux.
La journée est une alternance de travail, de création, de moments d’apprentissage…
Après une première partie de journée productive, je suis prête pour aller courir. Je pars à travers champs, je me risque dans les bois où cette fois, d’autres joggeurs solitaires foulent les sentiers et parfois les inventent. J’ai perdu mon chemin et me retrouve à enjamber un tronc. Je quitte l’ombre des arbres et rejoins le soleil du bord du fleuve. Je suis en forme, mais cela se corse et je suis clémente avec moi-même lorsque je termine en marchant énergiquement. Avec le soleil, j’ai reçu un implacable vent de face sans espoir d’y échapper sur 3 kilomètres. J’ai donc été plus vite cette fois-ci mais un peu moins longtemps.
De retour, petite conversation avec ma filleule et sa sœur en vidéo. Je leur fais écouter mes voisins qui s’animent de soir en soir vers 20h, jouent de la trompette et de la guitare. Elles se montrent créatives elles-aussi et me font voir leurs productions du jour.
La soirée se termine avec le dernier épisode de la saison 4 d’Outlander, le début de l’écriture d’un article ainsi que quelques chapitres de ma lecture cocoon du moment « Rendez-vous avec le crime » de Julia Chapman.
jeudi 26 mars
Nouvelle réunion sur microsoft teams, nous sommes de plus en plus à l’aise. Mon directeur me fournit une attestation pour que je puisse me déplacer en cas de crise.
Comme hier, je me consacre au travail et aux emails professionnels, à Marie-Antoinette et au néérlandais. J’avance bien et même si je ne suis plus capable de tenir une conversation, je m’aperçois que toute une série de règles de grammaire et de conjugaison sont bien ancrées chez moi. Je fais peu d’erreurs et tout cela se dérouille peu à peu. J’espère garder cet état d’esprit lorsque, une fois le confinement terminé, j’aurai à nouveau des moments de vacances à la maison et des jours de congé en semaine ou même le dimanche. Trop de jours souvent passés certes à me détendre, mais également à faire des déplacements dispensables et à ne rien entreprendre pour apprendre de nouvelles choses.
Je sors faire une marche avec une personne qui a besoin de soutien, couverte par mon attestation. Même si cela sort de mon cadre actuel de travail, j’ai le sentiment que c’est utile et qu’une autre relation se tisse, tout en restant professionnelle.
Je vais faire des courses et me gâte avec une pizza 4 fromages bio que je garnis d’une tomate supplémentaire. Je m’octroie également un coca zéro (cohérence quand tu nous tiens). Malheureusement je crame à moitié la pizza mais ça va elle est tout de même mangeable.
Je m’informe, les hôpitaux de l’est de la France et de la région parisienne font face à un tsunami. Je crains que la même chose arrive ici. De toute façon, même si les services ne sont pas débordés, les patients qui décèdent ne revoient jamais leur famille. Je crains également pour les maisons de repos et pour ma marraine qui y réside et doit être tout à fait déconnectée… J’ignore même si elle a compris quelque chose et si elle nous reconnaitra lorsque nous pourrons retourner la voir…
Je m’arrête ici et vais me changer les idées en terminant mon article sur les Pays Bas et en regardant un film…
Vendredi 27 mars
Aujourd’hui je m’octroie un réveil plus tardif, je me sens vidée, hello la jolie période du mois. Je n’ai cependant pas trop à me plaindre et généralement je parviens à vivre tout à fait normalement, je suis juste plus fatiguée durant 24h.
Je sors pour aller à la poste envoyer une petite carte d’anniversaire à ma filleule qui aura 3 ans lundi. Je prends le temps d’insérer dans l’enveloppe un bouquet de bisous volants et invisibles 🙂 Ensuite direction le supermaché…il me faudrait vraiment du papier toilette… Première tentative, il y a une file monstre, les gens ont presque tous des masques… Où ont-ils eu ces fichus masques…on me dévisage comme si j’étais une pestiférée. Je rebrousse chemin et cherche une autre crèmerie. All right moins de monde ici, je ressors avec le Saint Graal…que j’ai dû demander à la caisse car il est rationné. J’étais presque gênée de le demander, comme si on dealait de la meth. Non mais…
Ici, comme je ne dois pas bouger, j’accueille l’abattement et offre à mon corps une sieste après ma quête victorieuse. Stéphane Bern et Napoléon ne font pas le poids…Je suis éveillée par un appel professionnel et en profite pour traiter quelques affaires courantes avant le weekend tant que je suis à nouveau opérationnelle.
16h15 départ pour une balade avec S. Je fais le plein de rayons de soleil, de vent de bord de Meuse, de cris d’oiseaux… Au retour arrêt à la librairie, je vais bientôt manquer de matériel de coloriage, mais je ne trouve pas ce qu’il me faut.
Sophie Wilmès annonce le prolongement des mesures jusqu’au 19 avril (officiellement mon anniversaire se fera en confinement) et probablement jusqu’au 3 mai. Panique à bord, je boycotte amazon et prends donc un peu de temps mais ouf, je refais mon stock : carnets de coloriage à la fnac (j’aurais voulu soutenir un libraire indépendant, mais ils ne livrent pas) et fournée de stabilo pen 68 chez ava pour élargir ma palette. Ok j’ai tout ce qu’il me faut.
Soirée Koh Lanta…les gens sont fous…je suis bien contente d’être seule !
Samedi…combien déjà…ah oui 28
Je suis contente car les statistiques de mon blog sont bonnes et mon article sur le weekend aux Pays Bas est apparemment beaucoup lu même si je ne reçois pratiquement aucun j’aime ni commentaire. Difficile de savoir si le contenu ne plait pas ou juste si les personnes ne prennent pas la peine de le signaler. Quoi qu’il en soit, ça me fait plaisir.
Jour de weekend donc…fini de procrastiner avec le ménage…mais d’abord un peu d’écriture, notamment ce journal que je complète en regardant du coin de l’œil des tutos broderie sur youtube. Alors que j’ai zéro matériel. Et si je me faisais livrer ? Est-ce anti confinement ? Ou au contraire est-ce bien de soutenir l’économie et de faire vivre les commerces qui livrent encore. J’ai des envies créatives. Je me rends compte que le rythme de la vie active anesthésie cet élan en moi et cela me frustre plus que je ne l’imagine.
Une playlist de rock and pop 2000’s plus tard et l’essentiel est fait. Merci à Damon Albarn, Gwen Stefani, Liam Gallagher et Chris Martin pour l’accompagnement de mon ménage chorégraphique. Demain, la salle de bain !
L’heure est venue d’aller courir. Je ne sais jamais à l’avance comment je serai, mais aujourd’hui, je suis bien. Je sens que je vais un peu plus rapidement que les deux, trois dernières fois et me demande si je vais tenir. Je déroule et pourtant au début j’ai le vent de face. 5km, je coince un peu. Mais je me rappelle que j’ai les jambes et qu’il n’y a pas de raison que je n’aie pas le souffle, il y a juste des moments comme ça dans un run où je me sens plus lourde. Je décide de me dire que mon second souffle va arriver, je continue, je bifurque vers un chemin qui m’emmène plus loin de chez moi, je ne me laisse pas le choix…et bam 10km à du 6’45’’ au km. Je suis satisfaite. Je ne comprends pas pourquoi ma forme n’est pas plus constante, mais c’est ainsi.
De retour, je m’offre un plaisir qui trainait au fond d’un tiroir depuis ma dernière visite chez lush il y a deux ou trois mois…elle s’appelle Twilight et c’est une bombe de bain….détente.
Le film du jour est « Whiplash » et c’est un coup de maître, je vous en parlerai dans mon prochain bilan.
L’heure est venue de me glisser dans des draps propres avec mon livre doudou qui m’emmène dans les montagnes du Yorkshire.
Dimanche 29 mars
Lever tardif, pour une fois le changement d’heure ne m’inquiète pas et je ne suis pas en rush pour aller à la salle de sport avant 14h…matinée canapé et je termine mon roman. Opération limitation des écrans.
Fini le soleil, ça ne rigole pas aujourd’hui. Ce n’est pas grave car à 16h, je fête l’anniversaire de ma filleule sur microsoft teams, à l’heure où nous aurions dû nous réunir in real life. Pour l’occasion je sors m’acheter un Merveilleux pour que nous mangions une douceur tous ensemble. J’en profite pour marcher un peu et suis surprise par le vent glacial qui me fait mal aux joues. Lorsqu’il commence à NEIGER, je remonte chez moi.
14h49 Mon Dieu, j’adore « Grace & Frankie ». Jane Fonda est une déesse ! Tout le monde doit voir cette série, c’est tellement plein de punchlines hilarantes !

16h-17h : réunion de coronanniversaire en vidéoconférence. Nous chantons et mangeons du gâteau en même temps mais pas ensemble. Nous sommes en sept endroits différents (dont un de garde en service au poste de police qui doit quitter pour aller verbaliser des personnes qui contreviennent aux mesures de confinement grrr) et c’est très amusant. Nous nous promettons un bon gateau tous ensemble lorsqu’on pourra sortir.
Cette semaine se termine devant Marie de Médicis puis sans doute l’Inspecteur Barnaby ce soir. Je vais également pouvoir entamer « Une brève histoire de l’humanité », qui devrait, contrairement à ce qu’indique son nom, m’occuper pendant un bon moment.
Et vous comment allez-vous? Au travail plus que jamais? En télétravail? Bien? En manque de contacts sociaux? Courage à tous, prenez soin de vous et sauvez des vies en restant chez vous…