40
Aujourd’hui, j’ai enfin 40 ans. Enfin oui, car après des mois à ne pas passer une semaine quasi sans que quelqu’un me rappelle que cette année ça allait être mon tour, j’avais hâte d’arriver à cette journée et de voir si subitement, j’allais constater les ravages du temps. Il est encore trop tôt pour savoir si je vais y survivre, mais je constate que comme pour les 20, comme pour les 30, pas grand-chose ne change, ni pour moi ni pour les autres. Si ce n’est le regard que l’on nous porte, que l’on se porte à soi-même aussi, mais peut-on dissocier les deux ?
Cette année j’ai tout fait pareil, pas de grande fête, pas de tenue extravagante, pas d’envies démesurées. Pourtant j’en fais un article me direz-vous…eh bien oui tout de même, car ces 40 ans riment, à quelques mois près, avec mes 15 ans dans l’asbl où je travaille. Et cette stabilité ça me travaille. Je réfléchis depuis des mois à ce que je veux garder dans ma vie, voir fructifier, élaguer, cultiver, ce dont je veux me délester.
Mon amie Nuria, qui ne me lira probablement pas car elle est espagnole et ne connait pas l’existence de ce blog, termine souvent ses posts instagram très spirituels par des hashtags tout aussi spirituels, tels que « si te hace feliz aumenta la dosis » (ça sonne tellement mieux en espagnol, comme à peu près tout d’ailleurs). J’aime planifier, j’ai un côté control freak et pourtant, je n’ai jamais réussi à avoir de plan bien défini pour ma vie. Quel métier faire ? Où vivre ? Vivre seule ou non ? J’ai navigué à vue et continue à le faire, cela répond sans doute tout de même à un besoin de liberté.
A 40 ans comme à 20, je m’assois toujours à même le sol dans les gares si le train a du retard et que je suis fatiguée. A 40 ans comme à 15, je fais toujours la grasse matinée. A 40 ans comme toujours, je porte quelquefois des vêtement dont j’ignore moi-même s’il sont vraiment beaux, littéralement un exercice de style. A 40 ans comme à 10, je n’imagine pas ma vie sans mes parents. A 40 ans comme à 18, j’attends toujours ma lettre d’admission à Hogwarts (oui j’étais déjà un peu vieille je sais). A 40 ans, j’ai toujours les mêmes amis que quand j’avais 3, 10, 12, 18, 23, 30 ou 35 ans. Je les accumule sur mon chemin, c’est peut-être cela finalement mon projet familial atypique. Quel réconfort de ne pas évoluer parfois, d’éprouver la solidité des liens, la force de l’habitude et le détachement toujours plus grand du regard des autres.
Et maintenant ? Et maintenant, je veux encore plus de tout cela, je veux m’asseoir dans de nombreuses gares, fouler de nombreux quais qui m’emmèneront aux quatre coins de l’Europe et peut-être au-delà. Je voulais aller en Andalousie et en Cornouailles avant mes 40 ans. Ce n’est que partie remise. A la place cette année, un autre rêve, la Norvège. Le pays le plus cher d’Europe en pleine inflation spectaculaire d’à peu près tout. Après nous les mouches dit-on ! Je veux encore plus de théâtre, de moments complices avec mes partenaires, de stress en coulisses, de nuits trop courtes, de projecteurs qui font mal aux yeux et de fierté. Je veux oser mes propres projets professionnels, me prendre au sérieux, proposer des choses et des façons de faire en totale conscience et confiance envers qui je suis et ce que je suis capable d’apporter. Je veux être avec les gens que j’aime, enfants, amis, parents, aînés, fabriquer des souvenirs pour dans 5-10-15-20-50 ans même. Je veux parler espagnol, jouer de la guitare, écrire, courir et jardiner, le tout sans pression ni échéance. Je pense que je tiens le bon bout. Et si l’univers m’envoie une petite maison à prix raisonnable avec un petit jardin et une petite pièce bureau-bibliothèque, ce sera la cerise sur le gâteau.
Et vous, est-ce que les chiffres ronds vous mettent la pression ou vous font philosopher ?
Et pour conclure, juste comme cela, une capture du superbe film qu’est « Boyhood »…
